AIDS 2022: La prise d’antibiotiques après des rapports sexuels réduit le nombre d’IST de deux-tiers, selon l’étude “DoxyPEP”, Dimanche 31 juillet 2022

La prise d’antibiotiques après des rapports sexuels réduit le nombre d’IST de deux-tiers, selon l’étude “DoxyPEP”

Professeur Annie Luetkemeyer à AIDS 2022. Photo©Steve Forrest/Workers’ Photos/IAS
Professeur Annie Luetkemeyer à AIDS 2022. Photo©Steve Forrest/Workers’ Photos/IAS

Une étude américaine dans le cadre de laquelle des hommes gais et bisexuels et des femmes transsexuelles ont pris l'antibiotique doxycycline après un rapport sexuel sans préservatif a été interrompue un an plus tôt en raison de sa grande efficacité contre les infections sexuellement transmissibles (IST).  

L’étude a été présentée au 24ème Congrès international du Sida (AIDS 2022) qui a lieu cette semaine à Montréal, au Canada, en personne et en mode virtuelle.

L'étude DoxyPEP a examiné l'incidence de gonorrhée, de chlamydia et de syphilis chez 501 personnes. Deux tiers des participants ont pris de la doxycycline après un rapport sexuel (prophylaxie post-exposition - PEP) et l'étude a montré une réduction du risque d'IST de 66 %.

L'étude a recruté à Seattle et à San Francisco 327 personnes séronégatives sous PrEP (traitement régulier pour prévenir le VIH) et 174 individus séropositifs, âgés de plus de 17 ans et de sexe masculin à la naissance. Les participants devaient avoir eu au moins une des trois IST au cours de l'année précédente.

La moyenne des rapports sexuels sans préservatif était d'un peu plus de sept par mois, et l'adhésion à la doxycycline était bonne: 87% des rapports sans préservatif étaient protégés par la doxycycline.

L'efficacité chez les participants séronégatifs a été de 66% ; 82 IST ont été détectées dans le groupe témoin et 61 chez les personnes sous DoxyPEP, mais il y avait deux fois plus de personnes dans le groupe DoxyPEP. L'efficacité chez les participants séropositifs a été de 62%.

L'utilisation d'antibiotiques de cette manière inquiète souvent en raison de la pharmacorésistance. La doxycycline a été choisie car elle n'est pas chère et sa demi-vie est relativement longue, mais elle n'est pas souvent utilisée pour traiter les IST. Il s'agit d'un antibiotique appartenant à une classe appelée tétracyclines. Environ 20 % des gonorrhées diagnostiquées au moment où les personnes ont rejoint l'étude présentaient une pharmacorésistance à cette classe. Au cours de l'étude, la résistance des infections à gonorrhée acquises chez les personnes prenant du DoxyPEP a presque doublé pour atteindre un peu moins de 40 %. Ce taux de résistance pourrait limiter l'utilité du DoxyPEP dans la prévention de la gonorrhée, même s'il ne devrait pas avoir d'impact sur le traitement, puisque le médicament utilisé pour traiter la gonorrhée appartient à une classe différente.

L'étude devait initialement se poursuivre jusqu'en mai 2023, mais un examen intermédiaire effectué en mai 2022 a révélé que l'efficacité était si élevée qu'il serait contraire à l'éthique de poursuivre le groupe témoin.


ViiV Healthcare va permettre à 90 pays d'accéder à la PrEP générique injectable

Deborah Waterhouse de ViiV Healthcare et Charles Gore de la Medicines Patent Pool annonce l’accord à  AIDS 2022.
Deborah Waterhouse de ViiV Healthcare et Charles Gore de la Medicines Patent Pool annonce l’accord à  AIDS 2022.

Dans le cadre d'un nouvel accord de licence, la société pharmaceutique ViiV Healthcare permettra à 90 pays d'accéder à des versions génériques abordables de son médicament injectable à prendre tous les deux mois en prévention du VIH.

Une licence volontaire pour le cabotégravir, un injectable à action prolongée, a été accordée à la Communauté de brevets sur les médicaments, qui négocie avec les sociétés pharmaceutiques des licences volontaires sur les médicaments prioritaires afin d'en améliorer l'accès. L'accord permettra aux pays à revenu faible et moyen et à tous les pays africains, quel que soit leur niveau de revenu, d'accéder à des versions génériques abordables du médicament de prévention du VIH, utilisé en tant que PrEP.

Cependant, il faudra plusieurs années aux producteurs de médicaments génériques pour augmenter leur production dans le cadre de l'accord, qui a été critiqué en raison de ses larges limitations. Les pays à revenu moyen-supérieur en dehors de l'Afrique sont exclus, ce qui laisse des pays comme la Thaïlande et le Brésil dans l'impossibilité d'accéder aux injections génériques de PrEP.

L'ONUSIDA a salué l'accord mais s'est joint aux activistes pour demander à ViiV de baisser son prix à un niveau comparable à celui de la PrEP orale.


Le biktarvy pourrait être l'option la plus efficace contre le VIH et l'hépatite B

Dr Anchalee Avihingsanon à AIDS 2022. Photo ©Steve Forrest/Workers’ Photos/IAS.
Dr Anchalee Avihingsanon à AIDS 2022. Photo ©Steve Forrest/Workers’ Photos/IAS.

Bien que deux régimes de médicaments antirétroviraux se soient révélés à peu près aussi efficaces l'un que l'autre pour maîtriser le VIH, la pilule combinée Biktarvy (bictégravir, emtricitabine et ténofovir alafenamide) a été plus efficace pour maîtriser le virus de l'hépatite B (VHB) chez les personnes co-infectées au VIH et VHB, selon une étude présentée à AIDS 2022.

Le VIH et le VHB sont transmis de manière similaire et de nombreuses personnes sont porteuses des deux virus. Certains antirétroviraux utilisés pour traiter le VIH sont également actifs contre le VHB.

L'étude ALLIANCE a comparé le Biktarvy, pris en une seule pilule une fois par jour, au dolutégravir plus emtricitabine et fumarate de ténofovir disoproxil (FTC/TDF), sous la forme de deux pilules une fois par jour.

Les deux groupes se distinguaient par les inhibiteurs d'intégrase administrés (bictégravir ou dolutégravir), et la version du ténofovir (le nouveau TAF ou l'ancien TDF).

L'essai a recruté 243 personnes co-infectées au VIH et au VHB, principalement en Thaïlande, en Chine ou en Malaisie, qui n'avaient jamais été traitées pour le VIH ou l'hépatite B. La plupart étaient des hommes et l'âge médian était de 32 ans.

Les deux régimes médicamenteux ont été très efficaces pour contrôler le VIH. Après 48 semaines, 95,0% des personnes prenant le Biktarvy et 91,0% de celles prenant le dolutégravir plus FTC/TDF avaient une charge virale du VIH inférieure à 50. La suppression virale du VHB était moins fréquente, et le Biktarvy s'est avéré supérieur au dolutégravir plus FTC/TDF : 63,0% et 43,4%, respectivement, avaient un ADN du VHB inférieur à 29 copies.

Parmi les participants positifs à l'antigène 'e' de l'hépatite B (HBeAg) au début de l'étude, 25,6% de ceux qui prenaient le Biktarvy ont éliminé leur HBeAg après 48 semaines, contre 14,4% dans le groupe dolutégravir plus FTC/TDF. La séroconversion de l'AgHBe était également plus élevée dans le groupe Biktarvy.


Des données supplémentaires indiquent que le traitement à base de TAF et de dolutégravir conduit à un gain de poids plus important.

SeventyFour/Shutterstock.com.
SeventyFour/Shutterstock.com.

Les résultats définitifs de l'étude ADVANCE montrent qu'une femme sur cinq (20 %) a développé un syndrome métabolique et qu'un peu moins de la moitié ont développé une obésité clinique après presque quatre ans de traitement avec une multithérapie à base de dolutégravir, de ténofovir alafénamide (TAF) et d'emtricitabine.

En comparaison, 12 % des femmes sous dolutégravir, fumarate de ténofovir disoproxil (TDF) et emtricitabine dans l'étude ont développé un syndrome métabolique et 27 % une obésité clinique. Les taux de syndrome métabolique et d'obésité clinique ont été plus faibles chez les hommes sous les deux régimes.

L'étude ADVANCE était un essai randomisé. Nous avons déjà présenté les résultats à 48 et 96 semaines, qui ont montré que les traitements à base de dolutégravir étaient tout aussi efficaces que ceux à base d'éfavirenz pour contrôler la charge virale du VIH. Ils avaient aussi montré que les personnes sous dolutégravir et TAF prenaient plus de poids.

Le poster des nouveaux résultats a été présenté en dernière minute à AIDS 2022. Après 192 semaines, les personnes qui suivaient un traitement à base de TAF avaient pris un peu moins de 9 kg, contre 5,8 kg pour les personnes prenant du dolutégravir avec du TDF et de l'emtricitabine et 3,3 kg pour les personnes prenant de l'éfavirenz avec du TDF et de l'emtricitabine.

Les résultats soulignent à quel point, sans surveillance régulière du poids et du métabolisme, un traitement suivi par des millions de personnes pourrait entraîner des troubles métaboliques et des complications, dont le diabète de type 2.

Les résultats mettent également en évidence les différences importantes de risque de gain de poids entre les nouvelles et les anciennes formulations du ténofovir.


Les prestataires de soins de santé pourraient faire plus pour sensibiliser sur I=I

Richard Angell et Chamut Kifetew du Terrence Higgins Trust à AIDS 2022. Photo de Matthew Hodson.
Richard Angell et Chamut Kifetew du Terrence Higgins Trust à AIDS 2022. Photo de Matthew Hodson.

Selon les résultats présentés à AIDS 2022, des lacunes importantes subsistent toujours quant aux connaissances sur I=I et sa compréhension chez les personnes vivant avec le VIH.

Des chercheurs, des militants et des responsables politiques se sont réunis lors d'un sommet I=I à Montréal pour célébrer les six ans du message I=I par la Campagne d'accès à la prévention, et quatre ans depuis la présentation des résultats définitifs de l'étude PARTNER 2 à AIDS 2018. Les études PARTNER ont prouvé que le risque de transmission sexuelle d'une personne vivant avec le VIH et ayant une charge virale indétectable était nul.

Cependant, le sommet a appris qu'il reste encore du travail avant que les bénéfices de I=I puissent être pleinement réalisés par toutes les personnes vivant avec le VIH. Les prestataires de soins de santé ont un rôle important à jouer.

Une enquête menée auprès de près de 16 000 hommes gais et bisexuels dans cinq pays asiatiques a révélé que deux tiers d'entre eux ne connaissaient pas l'existence de I=I.

Une autre enquête menée auprès de 3 206 personnes vivant avec le VIH dans sept villes de l’hémisphère sud a également révélé des taux faibles de connaissance et de compréhension de I=I. Dans six de ces villes, plus de la moitié des participants ne comprenaient pas la signification de l'expression "charge virale indétectable".

Présentant les résultats de la deuxième enquête, le Dr José Zuniga, de l'Association internationale des prestataires de soins contre le sida (IAPAC), a parlé de la stigmatisation omniprésente dans les établissements de santé, qui fait obstacle à une communication ouverte sur I=I.

Le sommet a également écouté des chercheurs canadiens employant des méthodes qualitatives, qui ont travaillé avec des cliniciens spécialisés dans la santé sexuelle pour comprendre les obstacles à la communication sur I=I, et le Terrence Higgins Trust au Royaume-Uni, qui fournit du matériel de formation pour aider les prestataires de soins de santé à communiquer en toute confiance sur I=I avec leurs clients.

La campagne d'accès à la prévention a exhorté les pays à soutenir le message I=I et à intégrer I=I dans les efforts nationaux de prévention, de diagnostic et de traitement du VIH.


Le traitement à base de dolutégravir est très efficace chez les enfants et les adolescents

Des jeunes au Centre Baylor International Pediatric AIDS Initiative en Tanzanie. Photo  Avec la permission du Baylor College of Medicine Children's Foundation, Tanzanie.
Des jeunes au Centre Baylor International Pediatric AIDS Initiative en Tanzanie. Photo Avec la permission du Baylor College of Medicine Children's Foundation, Tanzanie.

Le traitement à base de dolutégravir permet d'obtenir une suppression virale rapide chez les enfants et les adolescents séropositifs et la grande majorité d'entre eux la maintiennent, selon les donnés réelles présentées lors du congrès AIDS 2022.

Le Dr Jason Bacha, de la Baylor International Pediatric AIDS Initiative (BIPAI), a présenté les résultats d'une analyse sur le traitement à base de dolutégravir dans sept centres pédiatriques de soins VIH de six pays (Botswana, Eswatini, Lesotho, Malawi, Tanzanie et Ouganda) entre 2016 et 2021.

L'étude a porté sur 11 799 enfants et adolescents. Cinquante-six pour cent d'entre eux étaient des filles, et la majorité avaient 10 ans ou plus (39 % avaient entre 10 et 14 ans, 40 % entre 15 et 19 ans). Seuls 2,6 % avaient moins de 5 ans.

Plus des trois quarts (78 %) prenaient du dolutégravir après avoir changé leur traitement précédent. La majorité (61%) prenait le dolutégravir avec du ténofovir disoproxil et de la lamivudine (TLD) ; 32% prenaient le dolutégravir avec de l'abacavir et de la lamivudine, 5% avec de la zidovudine et de la lamivudine.

Six mois après le début du traitement à base de dolutégravir, 92% des participants avaient une charge virale inhibée.


Les inégalités concernant la PrEP se sont aggravées aux États-Unis

Graphique de AIDSVu montrant le rapport PrEP-besoin (PnR) aux Etats-Unis(PnR).
Graphique de AIDSVu montrant le rapport PrEP-besoin (PnR) aux Etats-Unis(PnR).

Les inégalités concernant la PrEP aux États-Unis - tant en termes de race que de localisation géographique - n'ont pas seulement persisté au cours de la dernière décennie, mais ont augmenté, selon des recherches présentées à AIDS 2022.

Si l'utilisation de la PrEP orale est autorisée aux États-Unis depuis 2012 (et les injections de PrEP ont été approuvées l'année dernière), en élargir l'accès s'est avéré difficile, en particulier chez les groupes qui présentent des taux disproportionnés de nouveaux diagnostics de VIH, tels que les hommes noirs et hispaniques ayant des rapports sexuels avec des hommes et les personnes vivant dans le sud du pays.

Afin de déterminer si l'accès à la PrEP était équitable, les chercheurs ont calculé un ratio PrEP-besoin (PnR), qui correspond au nombre de personnes sous PrEP divisé par le nombre de nouveaux diagnostics dans ce groupe au cours de la même année. L'étude a utilisé les données des pharmacies commerçantes entre 2012 et 2021 pour compter les utilisateurs de PrEP par région, classifiée en fonction du recensement des Etats-Unis.

Dans toutes les régions, au cours de la dernière décennie, le PnR des personnes de race blanche a augmenté beaucoup plus rapidement que celui des autres groupes raciaux ou ethniques, ce qui indique un écart inéquitable dans l'adoption de la PrEP. Dans les régions du Sud, le PnR de tous les groupes est plus faible que dans d’autres régions, ce qui indique une inégalité régionale entre les groupes raciaux et ethniques.


Sensibiliser la police à la réduction des risques peut aider à prévenir le VIH et les overdoses mortelles.

Dr Javier Cepeda à AIDS 2022. Photo ©Jordi Ruiz Cirera/IAS.
Dr Javier Cepeda à AIDS 2022. Photo ©Jordi Ruiz Cirera/IAS.

Un programme d'éducation de la police à Tijuana, au Mexique, a réduit les arrestations de personnes qui s'injectent des drogues et représente un moyen rentable de prévenir le VIH et les overdoses mortelles, selon une recherche présentée à AIDS 2022.

Au Mexique, les personnes qui s'injectent des drogues sont fréquemment harcelées et arrêtées par la police, qui cible particulièrement les sites de réduction des risques tels que les cliniques de méthadone pour procéder aux arrestations. La possession de seringues est souvent utilisée comme motif d'arrestation - bien que ce soit légal. Ces arrestations conduisent à un risque de partage de seringues trois fois plus élevé.

Le Proyecto Escudo (Projet Bouclier) a été conçu pour harmoniser les pratiques policières avec les principes de santé publique reposant sur des données probantes. En mai 2016, 1806 policiers ont suivi une formation sur des sujets tels que la réduction des risques, la sécurité au travail, notamment la manière d'éviter les blessures par piqûre d'aiguille, une reforme de la loi qui avait dépénalisé la possession de petites quantités de drogues, et des notions de base d'épidémiologie du VIH et de l'hépatite C.

Les agents de police ont déclaré avoir procédé à beaucoup moins d'arrestations au cours des deux années qui ont suivi la formation. Ce résultat a été corroboré par des données provenant d'une cohorte de personnes s'injectant des drogues, qui étaient 68 % moins susceptibles d'avoir été emprisonnées au cours de la période suivant la formation.

Les chercheurs ont utilisé une modélisation pour estimer l'impact et le rapport coût-efficacité de la formation sur la prévention de la transmission du VIH et des overdoses mortelles. Ils ont constaté un impact modeste mais important sur la transmission du VIH, avec une réduction de 1,7 % des infections au VIH deux ans après la formation et de 3,1 % après dix ans. L'impact sur les overdoses mortelles serait plus important, avec 9% d'overdoses en moins dans les deux ans qui suivaient et une réduction de 14% après dix ans. Ils ont également constaté que si le programme de formation était coûteux, son coût était compensé par la réduction des frais liés à l’incarcération, ce qui rendait l'intervention rentable.


Analyse scientifique de Clinical Care Options

Clinical Care Options

Participez à l'analyse scientifique des données présentées à AIDS 2022 grâce à des webinaires rapides d’experts, des résumés de capsules, des webinaires sur-demande, des diapositives et des commentaires de ClinicalThought, assurés par Clinical Care Options.

Etudes essentielles sur le VIH influençant ma pratique après AIDS 2022

Les 3 et 4 août, rejoignez le Dr David A. Wohl ou le professeur Chloe Orkin lors d'un webinaire interactif en direct. Ils vous présenteront une mise à jour rapide des données sur le traitement et la prévention du VIH présentées dans le cadre de AIDS 2022 et répondront à vos questions.