EACS 2021: Les cliniques auront besoin de nouveaux systèmes pour administrer les traitements injectables contre le VIH, Vendredi 5 novembre 2021

Les cliniques auront besoin de nouveaux systèmes pour administrer les traitements injectables contre le VIH

Le Dr Jonathan Angel lors de sa présentation à EACS 2021.
Le Dr Jonathan Angel lors de sa présentation à EACS 2021.

Le Dr Jonathan Angel, de l'hôpital universitaire d'Ottawa au Canada, a fait part la semaine dernière au 18e Congrès européen sur le Sida (EACS 2021) de son expérience pratique de la prescription du cabotégravir et de la rilpivirine, de nouveaux antirétroviraux injectables. Outre son expérience de 5 ans à les administrer dans le cadre des essais cliniques, il est l'un des premiers médecins à les dispenser dans le cadre des soins courants.

Le Canada a été le premier pays à autoriser le traitement antirétroviral à action prolongée, vendu en Amérique du Nord sous le nom de Cabenuva. En Europe, les deux formulations du médicament sont connues sous des noms distincts : Vocabria et Rekambys.

Le Dr Angel a déclaré que l'administration d'injections tous les mois ou tous les deux mois à de nombreux patients constituerait un fardeau supplémentaire pour tout service de consultation ambulatoire déjà très sollicité. Au Canada, le traitement a été facilité par l'existence d'un programme parrainé par une société pharmaceutique, appelé Cabenuva Supports, qui administre  les injections. Les injections sont effectuées par des infirmières hors site, dans des cliniques de soins primaires, des pharmacies ou au domicile des patients.

Le Dr Angel a déclaré qu'il avait trouvé impossible de prédire quels patients voudraient sérieusement passer au traitement injectable: Hors d’une préférence pour des injections, les raisons étaient individuelles et souvent multiples.  "Lorsqu'ils seront informés de la disponibilité d'un traitement injectable, les patients choisiront d’eux-mêmes", a-t-il déclaré.

La plupart des patients ont choisi de prendre des pilules de cabotégravir et de rilpivirine par voie orale pendant une période préparatoire de quatre semaines, mais certaines données suggèrent que ce n'est peut-être pas nécessaire et quelques patients ont choisi de ne pas suivre ce traitement oral de préparation. Une poignée de patients ont décidé d'interrompre les injections et de revenir à un traitement oral. Cette décision était principalement due à la "fatigue des injections", le désagrément de devoir pendre rendez-vous pour les injections, et aux effets secondaires

Une utilisation possible des injectables qui pourrait s’avérer intéressante, serait en traitement antirétroviral temporaire pendant les périodes où les pilules orales ne sont pas pratiques ou lorsqu’elles soulèvent des inquiétudes quant à une divulgation non désirée du statut sérologique, par exemple en voyage. "Nous n'en sommes qu'au début de l'utilisation de ces technologies", a commenté le Dr Angel, "et nous rencontrerons d'autres problèmes cliniques et pratiques à mesure que davantage de patients les utiliseront. Elles ne résoudront pas nécessairement le problème de la mauvaise adhésion au traitement, car les patients peuvent aussi rater les injections. Mais il ne fait aucun doute qu'une grande partie des patients les voudront."


Cas d'excrétion virale prolongée du SRAS-CoV-2 chez un patient immunodéprimé

Dr Irfaan Maan lors de sa présentation à EACS 2021.
Dr Irfaan Maan lors de sa présentation à EACS 2021.

Les personnes séropositives qui sont gravement immunodéprimées peuvent avoir des périodes prolongées d'excrétion virale du SRAS-CoV-2 (le virus qui cause le COVID-19) sans symptômes cliniques, selon un cas présenté à la conférence.

Le Dr Irfaan Maan, de l'University College London, a décrit le cas d'une femme séropositive de 28 ans chez qui on avait diagnostiqué un lymphome à cellules B (une forme de lymphome non hodgkinien) à la mi-2020, avec un taux de CD4 de 30 et une charge virale de 354 814 copies/ml. Elle avait de longs antécédents d'adhésion sous-optimale aux antirétroviraux et son diagnostic de lymphome est survenu après une interruption de traitement de 10 mois

Lors de la reprise des soins, elle a repris un traitement antirétroviral et a commencé une chimiothérapie, avec de bons résultats à long terme dans les deux cas. Cependant, son taux de CD4 est resté faible pendant plusieurs mois et elle a été testée positive au SARS-CoV-2 lors d'un test PCR.

Contrairement aux cas habituels, elle était toujours positive au jour 15, puis à nouveau aux jours 22 et 37, et est restée positive lors des tests PCR et d'amplification par transcription (TMA) jusqu'à 164 jours après son premier test positif. Un test d'anticorps effectué au jour 64 s'est révélé négatif, ce qui suggère une absence de réponse immunitaire à l'infection. Pendant toute la durée du test positif, elle n'a présenté aucun symptôme de COVID-19.

Une excrétion virale prolongée a déjà été signalée chez des personnes souffrant d'immunosuppression sévère, y compris chez une personne séropositive. Cependant, on ne sait pas si l'excrétion virale est suffisante pour présenter un risque d'infection pour autrui et, dans ce cas, deux membres de la famille vivant sous le même toit n'ont pas été infectés.

La patiente a été contrainte de s’isoler pendant plus de cinq mois, avec des conséquences psychosociales importantes pour elle. Les contacts sociaux lui manquaient et elle était de mauvaise humeur et frustrée par la situation. Elle a eu besoin du soutien des cliniciens et des psychologues de la clinique pour améliorer son humeur et sa perspective sur la situation.

Ce cas souligne l'importance de mieux comprendre le SRAS-CoV-2 et le COVID-19 chez les personnes immunodéprimées, et non pas seulement les réactions à la vaccination.


La plupart des personnes séropositives acceptent la vaccination contre le COVID-19

Gustavo Fring/Pexels
Gustavo Fring/Pexels

Des enquêtes menées dans divers contextes ne suggèrent pas de taux inhabituels d'hésitation à l'égard du vaccin COVID-19 chez les personnes séropositives, a-t-on appris la semaine dernière lors du congrès. L'enquête la plus importante portait sur 1 486 personnes séropositives en Argentine : 84 % d'entre elles ont déclaré qu'elles se feraient vacciner si un professionnel de la santé le recommandait et 79 % si le gouvernement rendait la vaccination obligatoire. La sécurité était un facteur crucial pour les personnes qui hésitaient à se faire vacciner.

Des résultats largement similaires ont été obtenus dans le cadre d'études menées en Grèce (81 % déjà vaccinés ou disposés à l'être), en Turquie (70 %), au Moyen-Orient (65 %) et auprès de jeunes au Royaume-Uni (75 %). Les facteurs démographiques associés dans les différentes études à l'hésitation envers la vaccination étaient peu nombreux, mais comprenaient le sexe féminin, un faible niveau d'éducation et le fait de vivre en dehors d'une grande ville

L'impact positif d'une discussion et d'une recommandation des vaccins COVID-19 par les cliniciens VIH était un thème récurrent. En outre, comme l'innocuité perçue semble être le principal facteur d'acceptation des vaccins, l'éducation des personnes séropositives sur les données d'innocuité disponibles dans cette population spécifique est susceptible d'augmenter l'acceptabilité des vaccins.


L'Europe est loin d'atteindre les objectifs d'élimination de l'hépatite C

Dr Erika Duffell lors de sa présentation à EACS 2021.
Dr Erika Duffell lors de sa présentation à EACS 2021.

Les États de l'Union européenne sont loin d'atteindre les objectifs mondiaux d'élimination de l'hépatite C, notamment en matière de réduction des risques, de dépistage et de traitement, a déclaré le Dr Erika Duffell, du Centre européen de contrôle des maladies, lors du congrès.

Des objectifs mondiaux ont été convenus en 2016 afin de réduire de 90 % les nouvelles hépatites virales et de réduire de 65 % les décès dus à l'hépatite virale d'ici 2030. Le Dr Duffell a passé en revue les progrès réalisés vers l'élimination de l'hépatite C, le virus de l'hépatite prédominant dans la région européenne. Cependant, la majorité des pays de la région ne disposent pas d'estimations actualisées du nombre de personnes vivant avec l'hépatite C, du nombre de diagnostics récents ou du nombre de personnes traitées pour l'hépatite C ayant obtenu une réponse virologique soutenue

La couverture de la réduction des risques reste faible. En 2019, seuls trois pays avaient atteint l'objectif de distribution de 200 seringues par consommateur de drogues et par an. Seuls neuf pays ont déclaré avoir atteint l'objectif de la prescription d’un traitement de substitution aux opioïdes à 40 % des consommateurs d'opioïdes présentant des risques élevés

Seuls quatre pays de la région – la France, l’Irlande, l’Italie et la Suède - auraient diagnostiqué plus de la moitié des personnes vivant avec l'hépatite C en 2020. La prévalence des infections non diagnostiquées est particulièrement élevée en Roumanie et en Grèce

"COVID a montré ce qui pouvait être fait en matière de dépistage à grande échelle et nous devons canaliser une partie de cette innovation vers le dépistage de l'hépatite C", a déclaré le Dr Duffell


La mise en œuvre de la PrEP reste limitée en Europe centrale et de l’est

Le Dr Justyna Kowalska lors de sa présentation à EACS 2021.
Le Dr Justyna Kowalska lors de sa présentation à EACS 2021.

La prophylaxie pré-exposition (PrEP) par voie orale est encore loin d'être suffisamment disponible dans les régions d'Europe qui en ont le plus besoin, a déclaré le Dr Justyna Kowalska de l'Université de médecine de Varsovie, en Pologne, lors du congrès.

Même le pays qui a prescrit plus de PrEP que tout autre pays d’Europe centrale et de l’est - l'Ukraine, avec un peu moins de 4000 personnes ayant commencé la PrEP depuis 2018 - prescrirait la PrEP à 62 500 personnes, si la taille de son programme de PrEP par rapport à sa population de personnes séropositives était la même que celle de la France ou du Royaume-Uni. Si la Pologne dispose également d'un programme relativement important, la prescription dans des pays tels que la Slovénie, la Croatie, la République tchèque, la Géorgie et la Moldavie se fait à petite échelle. Dans six pays de la région, il n'est pas encore prévu d'autoriser la PrEP

Il existe des barrières institutionnelles à la généralisation de la PrEP, comme le fait que les programmes nationaux de santé ne la prennent pas en charge, que les directives nationales ne la recommandent pas et que le médicament n'est pas officiellement autorisé dans les pays, ce qui signifie que si les médecins la prescrivent, il s'agit d'un médicament " hors indication " et le médecin serait responsable de toute conséquence négative

L'intérêt élevé pour la PrEP en Pologne et en Ukraine est en partie du au fait que la PrEP a conduit à la création d'un réseau de cliniques de santé sexuelle adaptées à la communauté. Ces cliniques ont permis à de nombreux hommes gays et bisexuels de s'impliquer davantage dans leur santé sexuelle au sens large. La plupart des services de PrEP et des prestataires de services restent très médicalisés, mais une plus grande diversité de modèles de prestation de services pourrait encourager plus de personnes à prendre la PrEP


aidsmapLIVE: Edition spéciale sur la prévention du VIH

aidsmapLIVE

Le lundi 8 novembre à 18:00 (heure du Royaume-Uni), NAM aidsmap diffusera une émission spéciale aidsmapLIVE sur la prévention du VIH.

Susan Cole, de NAM aidsmap, sera rejointe par: le Professeur Sheena McCormack de l'Unité des essais cliniques du Medical Research Council ; le Dr Vanessa Apea du Barts Health NHS Trust ; Winifred Ikilai du Forum national des réseaux de personnes vivant avec le VIH/SIDA en Ouganda ; et Gus Cairns de NAM aidsmap.

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