CROI 2023: Le vaccin et la PEP à base de doxycycline contribuent tous les deux à une réduction des taux de gonorrhée, Mardi 21 février 2023

Le vaccin et la PEP à base de doxycycline contribuent tous les deux à une réduction des taux de gonorrhée

Professeur Jean-Michel Molina à CROI 2023. Photo de Roger Pebody.
Professeur Jean-Michel Molina à CROI 2023. Photo de Roger Pebody.

Un vaccin contre la gonorrhée a réduit de moitié le taux d'infections répétées chez les hommes gays et bisexuels, selon l'étude française DOXYVAC

Les résultats ont été présentés lors du 30e Congrès sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI 2023) qui se déroule cette semaine à Seattle, aux États-Unis.

L'étude a également examiné l'efficacité de l'antibiotique doxycycline en prophylaxie post-exposition ("doxyPEP") contre les infections sexuellement transmissibles (IST) bactériennes. Elle a permis de faire baisser les taux de chlamydia et de syphilis de 88 % et 87 %. Fait non prévu, l'antibiotique a également fait baisser le taux de gonorrhée de 51%, et ce indépendamment de l'effet du vaccin.

L'étude a utilisé le vaccin contre la méningite B 4CMenB (Bexsero), connu pour son efficacité modeste contre la gonorrhée. Les participants ont été randomisés pour soit ne recevoir que le vaccin, soit uniquement la doxycycline, soit les deux interventions soit aucune. Tous les participants suivaient également une PrEP (traitement régulier pour prévenir l'infection par le VIH).

Sur les 502 personnes dont les données étaient disponibles pour l'analyse, 332 ont pris la doxyPEP et 170 ne l'ont pas prise ; 257 ont reçu le vaccin et 245 ne l'ont pas reçu. Tous étaient des hommes gays et bisexuels cisgenres. Les participants avaient un âge moyen de 39 ans, 80% étaient de race blanche et 85% étaient nés en France.

Les taux de référence des IST, définies comme des infections diagnostiquées au cours de l'année précédente, étaient très élevés : 68% avaient eu une gonorrhée, 50% une chlamydia et 20% une syphilis. Le nombre moyen de partenaires au cours des trois derniers mois était de 10, avec une moyenne de cinq occurrences de rapports sexuels sans préservatif au cours du dernier mois. Onze pour cent avaient utilisé des drogues de type chemsex lors de leur dernier rapport sexuel.

L'étude a été arrêtée prématurément, lorsque l'analyse des données a montré que les résultats étaient déjà concluants.

Dans l'analyse de la doxyPEP, après un an, 36 infections à syphilis et/ou chlamydia ont été observées chez les participants qui n’avaient pas pris de PEP par rapport à 13 chez les hommes qui en avaient pris. Cependant, étant donné qu'il y avait deux fois plus d'hommes qui avaient pris la PEP que d'hommes qui ne la prenaient pas, et que certains ont contracté des infections multiples, ces chiffres sous-estiment la véritable différence.

La PEP était efficace à 79 % contre la syphilis et à 89 % contre la chlamydia. Son efficacité était plus modeste (51%) contre la gonorrhée.

Il semblerait que la gonorrhée ait acquis une résistance aux médicaments, mais cette résistance de faible niveau n'a pas empêché la doxycycline d'agir, et il n'y a pas eu de résistance très importante.

En ce qui concerne l'analyse du vaccin, 49 cas de gonorrhée ont été recensés, 32 chez les hommes n'ayant pas reçu le vaccin et 17 chez les hommes l'ayant reçu. Cela équivaut à une incidence annuelle de 19,7 % sans le vaccin et de 9,8 % avec le vaccin, soit, par coïncidence, exactement la même efficacité de 51 % que le doxyPEP.

"C'est le premier vaccin qui montre un certain degré d'efficacité contre une infection bactérienne sexuellement transmissible", a déclaré à aidsmap l'investigateur principal, le professeur Jean-Michel Molina de l'Université de Paris. Cependant, il ne s'attend pas à voir des directives préconisant la vaccination après une seule étude, d'autant plus que le vaccin utilisé est coûteux. M. Molina a déclaré : "Nous devons déterminer la durée de la protection et établir si et quand un rappel est nécessaire."


    La PEP à la doxycycline semble inefficace chez les femmes cisgenres

    Dr Jenell Stewart présente à CROI 2023. Photo de Liz Highleyman.
    Dr Jenell Stewart présente à CROI 2023. Photo de Liz Highleyman.

    La prophylaxie post-exposition à la doxycycline (doxyPEP), qui s'est avérée très efficace pour prévenir les infections sexuellement transmissibles (IST) chez les hommes gays et bisexuels et les femmes transgenres, n'a pas protégé les jeunes femmes cisgenres en Afrique, ont rapporté des chercheurs cette semaine à la CROI 2023.

    La DoxyPEP consiste à prendre une dose de 200 mg de doxycycline, un antibiotique, dans les 72 heures suivant un rapport sexuel sans préservatif. Outre l'étude DOXYVAC mentionnée ci-dessus, une étude publiée l'été dernier, portant sur des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et des femmes transsexuelles aux États-Unis, a montré que la doxycycline permettait de faire baisser les nouveaux cas d'IST bactériennes - chlamydia, gonorrhée et syphilis - de plus de 60 % par trimestre.

    Cependant, jusqu’à présent, la doxyPEP n’a pas été testée chez les femmes cisgenres. L'essai dPEP du Kenya a évalué la même intervention pour des jeunes femmes de Kisumu, une région où les taux d'IST et la prévalence de la gonorrhée résistante aux antibiotiques sont élevés.

    L'essai, mené de 2020 à 2022, a recruté 449 femmes cisgenres âgées de 18 à 30 ans qui suivaient une PrEP contre le VIH et n'étaient pas enceintes. Elles ont été assignées de manière aléatoire à prendre de la doxycycline après un rapport sexuel ou à recevoir des soins de norme (dépistage trimestriel des IST et traitement après diagnostic). Chaque semaine, les femmes ont reçu des SMS les interrogeant sur la fréquence de leurs rapports sexuels et de la prise de doxycycline, et elles ont fait un test de dépistage des IST tous les trimestres.

    Environ 60% des femmes avaient recours à la contraception hormonale et 37% ont déclaré avoir des rapports sexuels transactionnels. Au stade initial, 18% avaient une IST bactérienne : environ 14% avaient une chlamydia, environ 4% une gonorrhée et moins de 1% une syphilis.

    Les taux d'IST étaient élevés pendant l'étude. L'incidence annuelle était de 27 %, comparable aux taux observés chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes dans les pays à revenu élevé. Mais la doxycycline n'a pas réduit de manière significative le risque d'IST. Il y a eu 50 nouveaux cas d'IST dans le groupe doxycycline et 59 dans le groupe de soins de norme, mais la différence n'est pas statistiquement significatif.

    Selon la présentatrice, le Dr Jenell Stewart, de l'Institut de recherche Hennepin Healthcare de Minneapolis, le "contraste frappant" entre les résultats de l'étude de l'été dernier et ceux de cette étude peut s'expliquer par des différences anatomiques, des variations dans la résistance aux antibiotiques dans les régions où les études ont été menées et une adhésion sous-optimale. Si aucun cas de chlamydia résistante aux antibiotiques n'a été signalé dans le monde, la gonorrhée résistante à la doxycycline était très fréquente dans cette étude.

    Le Dr Stewart a noté que les tissus endocervicaux peuvent différer des tissus urétraux, rectaux et pharyngés en termes de concentrations de médicaments. Cependant, une autre étude présentée lors de la même session suggère que cette explication n'est pas suffisante.

    Le Dr Richard Haaland, des Centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC), a effectué une analyse pharmacocinétique, mesurant les concentrations de doxycycline chez les hommes et les femmes sur les sites d'exposition aux IST. Des échantillons de sang et des écouvillons muqueux ont été prélevés sur les participants jusqu'à sept jours après la prise d'une dose de 200 mg de doxycycline par voie orale.

    Les concentrations de doxycycline ont atteint leur pic plus tôt dans les sécrétions vaginales par rapport aux sécrétions rectales, mais aucune différence n'a été constatée entre les hommes et les femmes en ce qui concerne les taux sanguins. Les concentrations de doxycycline dans les tissus rectaux, vaginaux et cervicaux sont restées bien au-dessus des niveaux minimaux nécessaires pour inhiber la chlamydia et la syphilis pendant trois à quatre jours, et pour inhiber la gonorrhée pendant deux jours seulement.


    Pharmacorésistance limitée pour la gonorrhée dans l'étude doxyPEP

    La professeure Annie Luetkemeyer présente à CROI 2023. Photo de Liz Highleyman
    La professeure Annie Luetkemeyer présente à CROI 2023. Photo de Liz Highleyman

    L'utilisation de l'antibiotique doxycycline pour prévenir les infections bactériennes sexuellement transmissibles (IST) gonorrhée, chlamydia et syphilis (doxyPEP) a suscité des craintes quant à l'apparition d'une résistance généralisée aux médicaments, en particulier en ce qui concerne la bactérie gonorrhée.

    Toutefois, une analyse de la pharmacorésistance de la gonorrhée observée chez les participants de l'étude américaine doxyPEP, dont les principales conclusions ont été publiées l'année dernière, montre que si la résistance à la doxycycline et à d'autres médicaments de sa catégorie n'est pas rare, on n'a observé qu'une augmentation modeste de la proportion d'infections à gonorrhée présentant une résistance significative, et il y avait peu de différence entre les taux de résistance des personnes prenant la doxyPEP et des personnes qui n’en prenaient pas.

    Dans l'étude, la doxycycline a réduit le taux d'IST bactériennes chez les hommes gays et bisexuels et les femmes transsexuelles sur une période de trois mois. L'efficacité contre la chlamydia était de 88% et contre la syphilis de 87% chez les personnes séronégatives, et de 77% et 74% chez les personnes séropositives.

    L'efficacité contre la gonorrhée n'était que de 55% chez les personnes séronégatives et de 57% chez les personnes séropositives. On a pensé que cela pouvait être dû à une résistance au médicament - qui serait soit déjà présente dans les souches de gonorrhée en circulation, soit apparaîtrait à la suite de l'utilisation de la PEP.

    La professeure Annie Luetkemeyer, de l'équipe DoxyPEP, a déclaré à CROI 2023 que l'on craignait également que l'utilisation d'antibiotiques en PEP n'entraîne une résistance pour les bactéries apparentées. Son équipe a testé la bactérie Neisseria gonorrhoeae, la bactérie Staphylococcus aureus et sa variante multirésistante MRSA, ainsi que des espèces non pathogènes de bactéries Neisseria qui vivent naturellement dans la gorge, afin de détecter des signes de résistance.

    Seul un petit nombre d'échantillons a été cultivé avec succès, ce qui limite la signification statistique des résultats. Quatre échantillons de gonorrhée de référence présentaient une résistance à la doxycycline. Au cours du suivi, deux échantillons présentaient une résistance chez les personnes n'ayant pas pris de PEP, et six echantillons présentaient une résistance chez les personnes sous PEP. Bien que cette différence ne soit pas statistiquement significative, elle pourrait indiquer que la résistance commence à augmenter lorsque les personnes prennent la PEP.

    En ce qui concerne le Staphylococcus aureus, sa présence dans le nez et la gorge est passée de 44% au départ à 30% chez les personnes sous PEP. On a toutefois constaté une augmentation significative de la proportion d'échantillons de S. aureus résistants chez les personnes sous PEP, qui est passée de 5 % à 13 %.

    "Dans ce sous-groupe de participants au doxy-PEP pour lesquels nous disposions de données sur la résistance aux antimicrobiens, nous n'avons pas constaté d'augmentation marquée de la résistance à la doxycycline", a conclu le professeur Luetkemeyer. Cependant, une surveillance à plus long terme pendant le déploiement de la doxyPEP, y compris dans la communauté générale, est nécessaire pour évaluer l'étendue et l'importance de la résistance aux médicaments dans les cas de gonorrhée.


    Un allemand ne présente toujours plus de signes de VIH près de 10 ans après une greffe de cellules souches

    CI Photos/Shutterstock.com.
    CI Photos/Shutterstock.com

    Un habitant de Düsseldorf, en Allemagne, qui avait reçu il y a près de dix ans une greffe de cellules souches résistantes au VIH, et qui avait interrompu son traitement antirétroviral il y a plus de quatre ans, n’a plus aucune trace détectable de VIH et a été déclaré guéri, selon un rapport publié hier.

    L'homme, nommé Marc, âgé aujourd'hui de 53 ans, avait appris qu'il était atteint d'une leucémie myéloïde aiguë, un cancer du sang potentiellement mortel, en 2011, quelques mois seulement après avoir commencé un traitement antirétroviral. Après avoir suivi une chimiothérapie, en février 2013, il a bénéficié d’une greffe de cellules souches prélevées sur un donneur sans relation de parenté, présentant deux copies d’une mutation génétique rare dénommée CCR5-delta32, qui élimine les récepteurs utilisés par la plupart des souches de VIH pour pénétrer dans les cellules CD4. De fait, les cellules du donneur confèrent ainsi au receveur un nouveau système immunitaire résistant au VIH.

    Après plus de cinq ans de VIH indétectable, l'homme et son équipe médicale ont décidé de tenter, sous étroite surveillance, une interruption de traitement antirétroviral en novembre 2018. Depuis lors, ils ont analysé son sang à l'aide de tests ultrasensibles et examiné ses cellules immunitaires périphériques ainsi que ses tissus intestinaux et ganglionnaires et n'ont trouvé aucune trace de VIH capable de se répliquer.

    Le "patient de Düsseldorf" semblerait être l'une des cinq personnes qui ont éliminé le VIH après cette procédure. Les chercheurs s'efforcent toujours de comprendre pourquoi ces guérisons après une greffe de cellules souches se sont produites alors que d'autres tentatives ont échoué. Une affiche de la CROI disponible dans le courant de la journée décrira un cas de réactivation du VIH après une greffe de cellules souches prélevées sur un donneur présentant une double mutation CCR5-delta32.

    Même si les chercheurs parviennent à répondre aux questions encore en suspens, les greffes de cellules souches sont beaucoup trop risquées pour les personnes qui n'en ont pas besoin autre que dans le cadre du traitement d'un cancer potentiellement mortel et la procédure est trop coûteuse pour traiter les millions de personnes vivant avec le VIH dans le monde. Toutefois, ces cas apportent des indices qui pourraient aider les chercheurs à développer une approche plus largement applicable pour parvenir à une guérison fonctionnelle, ou à une rémission à long terme sans traitement antirétroviral.


    Les tests effectués au moment de l'accouchement améliorent les résultats du traitement préventif précoce des enfants exposés au risque de VIH

    Une mère et son enfant dans une clinique VIH de Maputo. Photo de PBS NewsHour. Creative Commons licence
    Une mère et son enfant dans une clinique VIH de Maputo. Photo de PBS NewsHour. Creative Commons licence

    Le dépistage de la charge virale sur le site d’intervention chez les nourrissons et l'instauration rapide d'un traitement antirétroviral ont permis de réduire de 67 % le nombre de décès chez les nourrissons séropositifs au cours des six premiers mois après la naissance dans le cadre d'une vaste étude randomisée, ont indiqué des chercheurs lors de la CROI 2023.

    L'étude LIFE a été conçue pour déterminer si les tests de charge virale effectués sur le site d'intervention à la naissance conduisaient à une diminution du nombre de décès et à une amélioration de la suppression virale, par rapport à la pratique standard de dépistage du VIH environ six semaines après la naissance.

    L'étude a recruté 6605 nourrissons dans 28 établissements de santé au Mozambique et en Tanzanie. Au cours de l'étude, 124 nourrissons ont été identifiés comme étant séropositifs (1,9 % des participants). Le VIH a été diagnostiqué à la naissance chez plus de la moitié des nourrissons (51%), à 6 semaines chez 32% et à 12 semaines chez 16%.

    La mortalité était plus élevée chez les nourrissons du groupe témoin (dépistage à six semaines). Quatorze pour cent des enfants du groupe témoin sont décédés après une période médiane de 14 semaines, contre 5 % dans le groupe d'intervention (dépistage à la naissance), après une période médiane de 23 semaines.

    Le risque de décès était 67% plus faible dans le groupe d'intervention, bien que ce résultat soit à la limite de la signification statistique. Le suivi à plus long terme n'a révélé aucune différence significative 12 ou 18 mois après la naissance, ce qui, selon les investigateurs de l'étude, pourrait être dû au fait que le traitement aux granules de lopinavir/ritonavir n’est pas bien toléré.

    L'étude a également montré que mesurer la charge virale de la mère à l'accouchement en faisant un test sur le site d'intervention permettait d'identifier un plus grand nombre de nourrissons présentant un "risque élevé" de VIH. Une charge virale maternelle supérieure à 1000 est un des critères de “risque élevé” pour les nourrissons. Les nourrissons signalés comme étant plus exposés à un risque de VIH étaient également plus susceptibles de recevoir une prophylaxie postnatale renforcée si leur mère avait bénéficié d'un test de charge virale sur le site d'intervention.