EACS 2023: Les traitements allégés se généralisent à Paris, lundi 23 octobre 2023

Les traitements allégés se généralisent à Paris

Dr Luis Sagaon-Teyssier à EACS 2023. Photo de Roger Pebody.
Dr Luis Sagaon-Teyssier à EACS 2023. Photo de Roger Pebody.

Près de la moitié des personnes séropositives prises en charge dans l'une des plus grandes cliniques VIH de Paris, en France, en 2022, ont suivi un traitement antirétroviral composé de deux médicaments ou d'un traitement intermittent. Ces stratégies de rationalisation des médicaments ont permis de réduire de près de moitié le coût de la prise en charge du VIH entre 2015 et 2022.

Les résultats de l'étude ont été présentés par le Dr Luis Sagaon-Teyssier lors du 19ème Congrès européen sur le sida (EACS 2023), qui s'est tenu à Varsovie, en Pologne, la semaine dernière

Les stratégies de réduction des médicaments sont conçues pour limiter l'exposition aux médicaments antirétroviraux. Les bi-thérapies associant le dolutégravir à la lamivudine (Dovato) ou à la rilpivirine (Juluca) se sont révélées aussi efficaces que les trithérapies pour la suppression de la charge virale.

Des traitements intermittents - quatre jours de traitement, trois jours de pause - ont également été évalués. L'étude QUATUOR réalisée en France a montré qu'un traitement intermittent permettait de maintenir la suppression virale aussi bien qu'un traitement continu, mais avec un taux d'échec virologique légèrement plus élevé après deux ans. Toutefois, une autre étude menée en France et présentée à EACS 2023 la semaine dernière a révélé qu'un protocole de bithérapie de quatre jours suivie de trois jours de pause, entraînait un taux plus élevé d'échecs virologiques et de pharmacorésistance.

Pour évaluer l'adoption de ces stratégies, leur impact sur la suppression virale et les dépenses en traitement antirétroviral, les chercheurs ont suivi 2288 personnes séropositives sous traitement en 2015 à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris. Au début de l'étude, 78 % d'entre elles suivaient une trithérapie et 22 % une bithérapie.

Parmi les personnes suivant une trithérapie quotidienne en 2015, 23 % étaient passés à une bithérapie quotidienne ou intermittente en 2022 et 19 % étaient passés à une trithérapie intermittente.

Parmi les patients sous bithérapie quotidienne en 2015, 60 % ont continué à la suivre, 19 % sont passés à la bithérapie intermittente et 24 % à la trithérapie.

En 2022, la moitié des patients pris en compte dans l'analyse suivaient un traitement à dose réduite. La proportion de personnes ayant une charge virale indétectable n'a pas changé.

Dans l'ensemble, les stratégies de traitement allégé ont été associées à une réduction de 29 % des coûts des médicaments et les stratégies de traitement intermittent à une réduction de 58 %. Toutefois, il faut souligner que le coût de toutes les stratégies de traitement a baissé entre 2015 et 2022, en partie grâce à une plus grande disponibilité des versions génériques des médicaments couramment prescrits.


Intensification des changements de traitement chez les personnes séropositives à Londres

Mareike Günsche | www.aspect-us.com
Mareike Günsche | www.aspect-us.com

Les personnes séropositives changent de traitement deux fois plus souvent qu'il y a dix ans, selon une étude présentée lors du congrès. Cette évolution pourrait s'expliquer par l'existence d'options plus sûres et par la possibilité d'adapter les traitements aux besoins individuels des patients.

L'équipe de recherche a recueilli des données médicales concernant 10 905 personnes séropositives soignées dans quatre cliniques de Londres, en Angleterre, qui avaient changé de traitement entre août 2021 et janvier 2022. Au cours de cette période, 984 traitements ont été changés, ce qui représente un taux de changement annuel de 18 %.     

Comme il y a dix ans, la principale raison pour changer de traitement était l'intolérance aux médicaments, responsable de 37 % de tous les changements.

Les chercheurs ont également calculé les taux de changement pour cause de toxicité pour chaque médicament, révélant de grandes différences entre les médicaments. L'éfavirenz, présent dans l'Atripla, représentait un quart de tous les changements liés à l'intolérance. Le ténofovir disoproxil (TDF), présent dans plusieurs traitements à comprimé unique, représentait 23 %, probablement en raison de la disponibilité de la formulation alternative ténofovir alafénamide (TAF). Le dolutégravir, un composant de Triumeq, Juluca et Dovato, était le troisième médicament le plus changé pour cause d'intolérance (13 %).

La deuxième raison la plus fréquente pour changer de traitement concernait les interactions médicamenteuses, qui représentaient 33 % de tous les changements dans cette cohorte, soit huit fois plus qu'il y a dix ans. Cela peut refléter le vieillissement de nombreuses personnes séropositives, et le fait qu'un plus grand nombre d'entre elles suivent un traitement pour d'autres maladies chroniques.

La simplification du traitement était la troisième raison la plus fréquente, représentant 17 % de tous les changements. La simplification la plus fréquemment observée était le passage de la trithérapie Triumeq à la bithérapie Dovato.

L'augmentation du taux de changements de traitement peut s'expliquer par l'augmentation rapide des options sur le marché des médicaments contre le VIH au cours de la dernière décennie. Les changements plus fréquents ne sont pas nécessairement préoccupants ; au contraire, ils peuvent refléter la disponibilité de meilleures options et le désir des cliniciens et des personnes séropositives d'essayer différents traitements afin de minimiser les effets secondaires et les interactions médicamenteuses.


Le dolutégravir peut accélérer la coagulation sanguine, entraînant un risque d'accident vasculaire cérébral et de crise cardiaque, selon des résultats préliminaires.

Renos Keniyopoullos présente à EACS 2023. Photo de Roger Pebody.
Renos Keniyopoullos présente à EACS 2023. Photo de Roger Pebody.

Le dolutégravir, un médicament privilégié contre le VIH présent dans de nombreuses multithérapies telles que Dovato, Juluca et Triumeq, peut provoquer une coagulation sanguine superflue en activant des cellules connues sous le nom de plaquettes. Selon une étude présentée lors du congrès, lorsque les plaquettes ont été exposées au dolutégravir à des concentrations habituellement observées chez les personnes qui utilisent ce médicament, l'activité coagulante a plus que triplé.

Ces expériences ont été menées en laboratoire et une évaluation clinique plus poussée chez les personnes vivant avec le VIH est nécessaire. Les plaquettes ont pour fonction de coaguler le sang lorsqu'elles sont activées par des stimuli tels qu'une lésion tissulaire. Cependant, l'hyperactivation peut entraîner une coagulation superflue qui pourrait augmenter le risque d'accident vasculaire cérébral, de crise cardiaque et d'autres troubles graves de la santé. 

Renos Keniyopoullos et ses collègues de l'Imperial College London ont extrait des plaquettes du sang de donneurs non séropositifs. Ils ont mélangé les plaquettes avec des substances présentes dans l'organisme dont on sait qu'elles déclenchent l'agrégation plaquettaire (coagulation), puis ont ajouté du dolutégravir ou du bictégravir (un médicament similaire, présent dans le Biktarvy). Le taux de médicament ajouté correspondait aux concentrations sanguines normales observées chez les personnes séropositives. Dans une étape distincte, ils ont également ajouté les médicaments avec lesquels le dolutégravir et le bictegravir sont habituellement associés afin d'évaluer s'ils avaient un effet supplémentaire.

Par rapport aux plaquettes exposées à l'une des substances naturelles responsables de la coagulation, le taux de coagulation observé en présence de dolutégravir était 3,6 fois plus élevé. Dans une autre expérience avec un autre facteur naturel de coagulation, le dolutégravir a doublé l'activité de coagulation. L'ajout d'autres médicaments accompagnant habituellement le dolutégravir dans diverses multithérapie n'a pas modifié les effets observés.

Le bictegravir a paru augmenter légèrement l'activité de coagulation des plaquettes, mais l'effet était très faible.

Ces résultats sont basés sur des tests de laboratoire qui ne peuvent pas refléter exactement ce qui se passe dans notre organisme. Conscient de cette limitation majeure, Renos Keniyopoullos a déclaré lors du congrès que l'équipe travaillait sur une étude de suivi, au cours de laquelle le niveau d'activation des plaquettes des personnes sous traitement à base de dolutégravir serait testé.


L'IMC est suffisant pour prédire le diabète ou le syndrome métabolique, selon une étude italienne

Dr Jovana Milić présente à EACS 2023. Photo de Roger Pebody.
Dr Jovana Milić présente à EACS 2023. Photo de Roger Pebody.

L'indice de masse corporelle (IMC) permet de prédire le risque de diabète ou de syndrome métabolique de manière aussi fiable que des tests plus précis de répartition des graisses corporelles chez les personnes séropositives, selon une étude italienne présentée lors du congrès.

L'IMC (poids(kg) divisé par la taille au carré (m²)) peut être utilisé pour prédire les risques de diabète ou de syndrome métabolique (caractérisé par une obésité abdominale, une élévation de la tension artérielle, une anomalie de la tolérance au glucose et une dyslipidémie). Toutefois, l'IMC ne tient pas compte de la répartition des graisses ni de la contribution des muscles à la masse corporelle. La graisse viscérale, qui s'accumule autour des organes, joue un rôle beaucoup plus important dans le développement des maladies cardiaques que la graisse sous-cutanée.

Les différences ethniques dans la répartition de la graisse corporelle et de la masse musculaire maigre contribuent également à des différences concernant les niveaux d'IMC à partir desquels les risques de diabète ou de maladie cardiovasculaire augmentent. Une étude récente menée au Royaume-Uni a montré que les personnes d'origine sud-asiatique ayant un IMC de 23 présentaient le même risque de diabète que les personnes de race blanche ayant un IMC de 30.

Cependant, la composition corporelle ne peut être mesurée que par DEXA ou IRM et ces tests ne sont pas disponibles dans les centres de soins de santé primaires ou dans la plupart des centres de traitement du VIH. Le Dr Jovana Milić et ses collègues de la clinique métabolique VIH de l'université de Modène, en Italie, ont voulu savoir si les changements de composition corporelle mesurés par DEXA étaient de meilleurs prédicteurs que l'IMC pour évaluer les risques de diabète ou de syndrome métabolique chez les personnes séropositives.

L'étude a suivi 1895 participants (70% d'hommes) pendant une durée médiane de 5,8 ans, au cours de laquelle ils ont passé en moyenne cinq scanners DEXA.

Au cours du suivi, 219 personnes ont présenté un diabète (incidence de 1,5 pour 100 personnes-années), 377 un syndrome métabolique (3,7 pour 100 personnes-années) et 417 ont présenté une forme composite du diabète ou du syndrome métabolique (4,1 pour 100 personnes-années).

Les variations de l'IMC, de la graisse abdominale, de la masse corporelle maigre, de la densité minérale osseuse lombaire et de la graisse viscérale ont permis de prédire l'apparition d'une forme composite.

Les chercheurs ont constaté que même si les variations de la graisse viscérale et de la masse corporelle maigre se sont avérées les meilleurs prédicteurs de la forme composite, les variations de l'IMC étaient également prédictives. Ils concluent que si le scanner DEXA n'est pas disponible, l'IMC et les variations de l'IMC sont fiables pour estimer les risques de diabète et de syndrome métabolique.

Toutefois, comme l'étude ne fait pas état de l'origine ethnique des participants et n'analyse pas les changements de poids et de composition corporelle en fonction de l'origine ethnique, on ignore si les résultats sont applicables dans tous les contextes.