Février 2014

L’autotest à domicile

Les résultats d’une étude de modélisation mathématique suggèrent que si les individus remplacent le dépistage du VIH en clinique par des tests moins sensibles de dépistage à domicile, la prévalence et l’incidence du VIH peuvent augmenter.

Comme le montre une étude récente qui a comparé les tests de dépistage du VIH, les tests de quatrième génération utilisés dans les cliniques détectent près de 100% des infections et ont une fenêtre sérologique plus courte. L’autotest OraQuick, qui a été autorisé au Etats-Unis pour le dépistage à domicile, est moins précis lorsqu’il est utilisé avec un échantillon salivaire. Il rate une infection sur 10 environ et la fenêtre sérologique est plus longue (jusqu’à douze semaines).

La modélisation a comparé les résultats des personnes qui sont passés du dépistage en clinique au dépistage à domicile avec OraQuick. Les mêmes résultats ne s’appliqueraient pas forcément si un autotest plus sensible était disponible. Ils ne s’appliqueraient pas non plus si l’autoprélèvement à domicile était utilisé en association avec un autotest plus sensible, comme dans le programme de dépistage postal du Terrence Higgins Trust au Royaume-Uni, qui utilise un test ayant une fenêtre sérologique de 4 semaines. Un autre projet d’autoprélèvement à domicile au Royaume-Uni, Dean Street at Home, offre un test capillaire ayant une fenêtre sérologique de quatre semaines ou un test salivaire ayant une fenêtre sérologique de 14 semaines.

L’étude de modélisation a constaté que la fenêtre sérologique plus longue d’OraQuick pourrait signifier qu’une infection au VIH récente ne serait pas diagnostiquée.

Ce scénario est particulièrement susceptible de se produire si une personne qui se fait déjà dépistée tous les 6 mois décide de passer du dépistage en clinique à l’utilisation d’un autotest à domicile. Si cette personne est séropositive, il est plus que probable que cette infection soit récente, et ne soit donc pas détectée par l’autotest à domicile.

En revanche, si les autotests à domicile étaient principalement utilisés par les personnes qui ne se font pas souvent dépistées (par exemple à quelques années d’intervalle) ou qui ne se sont jamais fait dépistées, il est fort probable qu’elles soient séropositives depuis plus longtemps. Les autotests peuvent détecter la plupart de ces infections.

En outre, si le dépistage à domicile amène les individus à se faire dépister plus souvent ou à éviter les rapports sexuels sans protection avec des individus de statuts sérologiques différents, il pourrait aider réduire le taux de prévalence.

Commentaire: Les autotests (également appelés tests de dépistage à domicile) vont être légalisés en France et au Royaume-Uni cette année. Cette étude souligne l’importance des  spécifications techniques des tests utilisés et de la fréquence du dépistage. Pour l’instant, nous ne pouvons pas savoir qui utilisera ces autotests et si leur utilisation remplacera ou sera complémentaire aux autres formes de dépistage du VIH et des IST. Si l’on peut espérer que les autotests à domicile aideront à réduire le nombre d’infections non diagnostiquées et conduira à moins d’infections, ce modèle montre que dans certaines situations, ils pourraient avoir un effet néfaste. 

L’identification des facteurs de risques de la lymphogranulomatose vénérienne (LGV)

Une étude cas-témoin publiée ce mois-ci fait lumière sur les facteurs de risques de la lymphogranulomatose vénérienne (LGV), une infection bactérienne sexuellement transmissible due à certaines souches de Chlamydia. Ses symptômes peuvent être extrêmement désagréables mais le traitement à base d’antibiotiques est efficace.

Des épidémies de LGV ont été signalées au cours de la dernière décennie aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en Espagne, en France, en Allemagne et dans d’autres pays. La plupart des individus qui contractent une LGV sont des hommes séropositifs gays.

L’étude a comparé les hommes gays qui souffraient d’une LGV (cas) aux hommes gays fréquentant les cliniques de santé sexuelle qui n’avaient pas de LGV (témoins). L’étude a révélé que le principal facteur de risque d’infection à la LGV était le sexe anal passif sans protection. L’infection est également associée au sexe anonyme, à la consommation de drogues GHB/GBL et au « fisting ».

Les chercheurs pensent que dans les situations d’activités sexuelles en groupe, l’infection peut être transmise d’un rectum à l’autre par la main ou le pénis d’un homme qui n’a pas forcément de LGV lui-même.

Commentaire: Dans de nombreux milieux, très peu d’informations sur la LGV et ses symptômes sont fournies aux hommes gays. Un message de prévention important est que les préservatifs protègent contre la LGV. En outre, il faut faire attention dans les situations d’activités sexuelles en groupe. Les cliniques de santé sexuelle devraient identifier les hommes exposés à un risque, encourager les dépistages fréquents, assurer le traitement et le suivi des contacts et offrir un soutien comportemental.  

La santé mentale des hommes gays

Des recherches qualitatives à Amsterdam ont exploré les raisons pour lesquelles les hommes gays souffrent d‘une santé mentale fragile. Plusieurs études ont montré que les hommes gays ont des taux plus élevés de troubles de l’humeur, de troubles de l’anxiété et de pensées suicidaires que les hommes hétérosexuels.

Les chercheurs ont constaté que, bien que la plupart des hommes gays aient grandi dans un environnement ouvert à l’égalité juridique et sociale des individus gays, ils restaient tout à fait conscients du fait que l’homosexualité n’était pas gewoon (un terme néerlandais signifiant normal, habituel ou coutumier). Pendant l’adolescence, ils ne craignaient pas le rejet pur et simple, mais ils s’inquiétaient d’être différents et de ne pas être à la hauteur des attentes de leurs familles.

Certains des répondants avaient trouvé difficile de former et de maintenir des relations sexuelles à long terme. Certains attribuaient ce fait au manque d’expérience dans les rencontres quand ils étaient plus jeunes, et les chercheurs soulignent également la façon dont les hommes se conduisent entre eux. Ils décrivent des répondants qui cherchent l’homme idéal et perdent tout intérêt lorsqu’il devient évident qu’un partenaire est moins que parfait. L’expérience de certains hommes dans le milieu gay érodait leur estime de soi.

Les comportements et les histoires de nombreux répondants ont témoigné des pratiques puissantes d’autorégulation alors qu’ils cherchent à atteindre et à maintenir les idéaux associés au gewoon et à la masculinité hétéronormative.

Commentaire: L’étude souligne la persistance d’une santé mentale fragile parmi les hommes gays, même dans une société où l’égalité juridique et sociale est très avancée. Il est fort probable qu’il y ait un lien entre les troubles de santé mentale et les difficultés à négocier des rapports sexuels à moindre risque, le comportement sexuel compulsif et la consommation de drogues.

L’attrition dans la cascade du traitement

Les données sur une période de 15 ans montrent qu’à toutes les étapes de la cascade des soins du VIH en Colombie Britannique, au Canada, des patients sont perdus. Bien que les résultats montrent que la situation s’est améliorée de façon constante depuis 1996, il reste une attrition importante : en 2011, 35% seulement des personnes séropositives avaient une charge virale indétectable.

Les efforts effectués pour réduire le taux d’infections non diagnostiquées et pour améliorer l’engagement dans les filières de soins sont au cœur des stratégies visant à maximiser les bienfaits du traitement anti-VIH sur la santé individuelle et publique.

Sur la période de 15 ans d’étude, la proportion des diagnostics de VIH parmi les personnes vivant avec le VIH a augmenté de 51 à 71%. Mais tout le monde n’a pas été orienté vers les soins et environ 20% des personnes orientées vers les soins ont par la suite arrêté de venir. Certaines personnes sous traitement n’ont pas, ou n’ont pas pu, y adhérer. Les améliorations les plus importantes observées pendant l’étude ont eu trait à la suppression virale, qui a augmenté de 5% parmi les personnes sous traitement en 1996 à 78% en 2011.

Commentaire: La Colombie Britannique est souvent tenue comme un exemple du potentiel de l’approche « chercher, dépister et traiter ». Contrairement aux autres provinces canadiennes, le traitement et les soins du VIH sont gratuits, et il y a donc relativement peu d’obstacles financiers à l’accès au traitement. Mais, si ces données montrent que le taux de VIH non diagnostiqué peut être réduit avec succès au fil du temps, elles indiquent également la difficulté à rattacher les individus aux systèmes de santé et à les retenir au fil du temps. Une meilleure compréhension des obstacles à la rétention dans les filières de soins, des caractéristiques des individus qui abandonnent les soins et des interventions nécessaires à l’amélioration de la rétention, est requise.

Les limites de la responsabilité individuelle

Les chercheurs canadiens qui avaient invité les hommes séronégatifs et séropositifs à parler de la stigmatisation du VIH et de l’exposition aux risques sexuels ont conclu que les concepts de « responsabilité individuelle » et de «prise en charge de sa propre santé » sont des modèles imparfaits pour traiter des risques de VIH dans la communauté gay.

Les chercheurs soutiennent que l’idée selon laquelle « chaque personne est responsable de sa propre santé » engendre souvent une situation dans laquelle la responsabilité est placée sur l’autre dans les rencontres sexuelles.

Bien que certains répondants aient utilisé la métaphore « il faut être deux pour danser », ils ne mentionnent pas de discussions ou de prises de décisions communes entre les partenaires sexuels,  la métaphore semble plutôt suggérer que les deux partenaires doivent prendre leur responsabilité individuelle en tant que personne isolée et autonome.

En outre, le concept de responsabilité individuelle semble être liée à une exclusion rigide de certaines personnes, telles que les hommes diagnostiqués comme séropositifs. Les chercheurs soutiennent que ces stratégies peuvent maintenir les individus physiquement libres du VIH et des IST, mais qu’elles peuvent également augmenter les risques et enraciner la stigmatisation dans la communauté gay.

Les chercheurs exhortent la résurrection d’une approche mutuelle et fondée sur le dialogue et centrée sur la communauté pour traiter des risques du VIH qui ne laisse pas les hommes seuls pour faire face, ou ne pas faire face au VIH, et qui implique un dialogue honnête et respectueux sur les risques sexuels et le VIH, que ce soit en couple ou dans la communauté.

Conférence de presse en ligne: Déclaration de consensus communautaire sur l’utilisation du traitement antirétroviral pour prévenir la transmission du VIH

Jeudi 27 février 2014, NAM et EATG, le groupe communautaire européen pour les personnes séropositives, lanceront une déclaration de consensus, pour approbation de la communauté séropositive, sur l’utilisation du traitement antirétroviral pour prévenir la transmission du VIH.

La déclaration de consensus a été développée par consultation ouverte en ligne, avec une réunion de la communauté en septembre 2013, et une autre consultation avec les leaders d’opinion de la communauté séropositive.

Vous êtes invité(e) à une conférence de presse en ligne sur cette déclaration, le jeudi 27 février de 14h00 à 14h30 heure britannique (BST) (15h00-15h30 heure européenne centrale; 8h00-8h30 HNC (temps universel coordonné [UTC] moins six heures)).

Vous pouvez vous inscrire pour la conférence de presse en ligne ou consultez le blog de NAM pour des informations supplémentaires.

Un rappel, contenant des instructions pour vous connecter de votre ordinateur, sera envoyé un jour avant la conférence. Le briefing combinera une présentation audio avec des diapositives en ligne et vous aurez l’occasion de poser des questions en temps réel. Le briefing sera en anglais.

Autres titres récents d’actualité

Les noirs aux Etats-Unis ont un niveau faible d’engagement et de rétention dans les filières de soins du VIH

L’intensification des efforts est nécessaire pour améliorer l’engagement des noirs dans le continuum des soins du VIH aux Etats-Unis, d’après des données publiées dans l’édition du 7 février de Morbidity and Mortality Weekly Report (Rapport hebdomadaire sur la morbidité et la mortalité).

Les interventions de dépistage du VIH devraient affronter la peur d’un résultat positif

Parmi les hommes gays et bisexuels à Glasgow, l’absence d’un dépistage récent du VIH est associée à un âge inférieur à 25ans ou supérieur à 45, à la peur d’un résultat positif et au fait que le dépistage du VIH n’est pas perçu comme étant typique parmi les amis gays. Les interventions visant à encourager le dépistage doivent prendre ces questions en considération, suggèrent les chercheurs dans le numéro de mars de AIDS Care (Soins Sida).

Le choix de la rédaction parmi la presse

Dans toute l’Europe, la plus grosse augmentation du taux de nouveaux diagnostics touche les jeunes HSH

De International AIDS Society

Partout en Europe la plus forte proportion de nouvelles infections au VIH se produisent chez les jeunes HSH, d’après les résultats d’une analyse portant sur 15 pays. Les nouvelles infections ont presque doublé chez les HSH de 20 à 29 ans et ont plus que doublé chez les HSH de moins de 20ans.

Changer le jeu en Europe

De L’ONUSIDA

Afin de trouver des solutions pour progresser vers zéro nouvelles infections, zéro discrimination et zéro décès liés au Sida en Europe, l’ONUSIDA a organisé le mois dernier une consultation à son siège à Genève, en Suisse.

Pour que la fin du Sida soit durable, le développement d’un vaccin contre le VIH sera nécessaire

D’Eurekalert Inf Dis

Anthony Fauci affirme que même si un meilleur accès mondial aux traitements antirétroviraux et une mise en œuvre plus étendue des stratégies efficaces de prévention pourraient potentiellement contrôler et peut-être même mettre fin à la pandémie du VIH/Sida, un vaccin sans danger et modérément efficace sera tout de même nécessaire pour atteindre cet objectif plus rapidement et de façon plus durable.

L’adoption de la PrEP pour le VIH reste lente parmi les HSH

Du Lancet

Les prescriptions de la pilule de prophylaxie pré-exposition (PrEP) n’ont pas beaucoup progressé aux Etats-Unis. Mais les essais s’accélèrent dans le monde entier.

Individus heureux, pratiques sexuelles à moindre risque

D’Eurekalert Medicine & Health

Les chercheurs ont rapporté qu’au cours d’une semaine donnée, les hommes séropositifs dont l’humeur s’était améliorée, étaient plus susceptibles d’avoir des rapports sexuels protégés par rapport à une semaine ordinaire. Pendant les semaines où leurs humeurs étaient pires que d’habitude, ils étaient plus susceptibles d’avoir des rapports sexuels sans protection.